Les mots et les choses

Est-ce que les mots nous appartiennent ? est-ce que nos pensées nous appartiennent ? ni l'un ni l'autre, je crois. La deuxième question est d'ordre épistémologique (à mon sens), je ne regarderai ici que la première.

Qu'est-ce que l'on dit, qu'est-ce que l'on pense ?  Il y a cette distance immense entre les propos et les pensées, d'autres l'ont dit avant moi. Il y a plus à mon avis. Il y a un problème lié à la notion de droit, de droit d'auteur. Que ce passe-t-il si un propos, dont on est l'auteur, nous appartient en propre ? Nous voila lié dans cette relation de propriété à ce qui est dit. Car la propriété est une relation qui va dans les deux sens, qui porte dans chaque sens une certaine servitude. Entrons en conflit avec quelqu'un pour quelques mots. Les mots sont au centre du conflit. Par cette relation de servitude qui nous lie à ces mots, nous voila impliqué dans le conflit ; plus grave, soyons en conflit avec quelqu'un pour une tout autre raison que ces mots, et laissons ces mots entre nous et lui, que ce passe-t-il ? Par cette même relation qui nous unis aux mots, le conflit descend dans les mots, éventuellement se nourrit de ces mots et remonte à nous. Entre temps le conflit a habité les mots, ceux-ci qui auraient pu être libres ont été souillés du conflit. L'interprétation du sens de ces mots, c'est nourit du conflit, les a peut-être dévisagés.
    Des deux situations précédentes aucune n'apparait telle quelle dans la vie courante, dans la vie courante ce qui apparait parrallelement c'est les mots et le conflit, et personne ne peut dire parfois qui des mots ou du conflit est premier. Je m'explique. Souvent, parfois (?), à la recherche des sources d'un conflit on pourrait voir un problème d'interprétation de quelques propos, mais selon moi les choses ne sont pas si claires, le problème d'interprétation peut être le résultat du conflit, et ce que l'autre rejete ne serait alors pas tant les mots que soi. Le rejet de soi entrainerait le choix des interprétations les moins concordantes, la recherche de la dispute ou au moins l'absence de recherche de conciliation.

    Qu'en serait-il si propos, pensées et individus étaient séparés ? les conflits continueraient à exister, probablement, entre individus. Certaines personnes n'arriveraient toujours pas à s'entendre. Mais les idées y gagneraient. Elles acquereraient leur autonomie, les mots aussi (mais peu importe, (ce sont les idées qui comptent)). Autrui aussi y gagnerait, il verait plus claire dans les propos de ses adversaires, n'aurait pas tendance à les diaboliser, pourrait deviner plus clairement les objectifs de ses 'enemis'. Il saurait profondement ce qui l'oppose à ces derniers. Apparaitrait un peu d'objectivité (?) (est-ce possible ?) Les conflits seraient au niveau des hommes, pas des idées? Cela peut sembler paradoxale, paradoxale qu'il y ait un quelconque progrès ici. Il se peut qu'il y en ait un cependant. Paradoxale, car on ne voudrait pas lier un debat d'idée, un débat politique à des individus, mais plutot le lier à des idées qui s'opposent. Maisles idées ne s'opposent peut-être pas si simplement : les idées forment un ensemble incohérent ou non, sont orthogonales ou non, sont incluses les une dans les autre ou non, mais ne s'opposent pas. Les idées sont des possibles parmi lesquels il faut choisir, parmi lesquels les individus, les hommes doivent choisir. Et c'est là que les conflits peuvent réapparaitre, avec l'activité spécifiquement humaine du choix ! (est-ce que nos choix nous appartiennent ? peut-être ... à voir ... d'autresdiront que non, je les entends déjà ...) Une idée n'empeche pas une autre idée d'exister, c'est quand l'homme doit choisir qu'il prend parti de se conformer plus ou moins à un certains nombre d'idées, en en préférant certaines à d'autres, plus ou moins radicalement. La discussion au niveau des idées doit se faire tous ensemble, c'est quand viendra le problème du choix que les camps pourront se reformer.

    Constater que cela n'est pas réalisé, c'est constater que malgrès tout la propiété de nos propos ne nous est pas étrangère, même si l'on le voulait, et c'est donc prendre le parti de devoir travailler à la dilution (?) de cette propriété, à la lutte contre cette propriété embarrassante et malvenue.



propos et photos par Denis.